Crise à Valence / Rupture avec Lim, gestion de fer : les raisons du renvoi de Marcelino (Partie 1)

Limogé le mercredi 11 septembre par Valence, sur décision de Peter Lim, Marcelino Garcia Toral est parti avec fracas du Valencia Club de Futbol et laissé une armée de regrets au sein du club et une partie des supporters. Retour sur un licenciement inévitable.
Les plus belles histoires d’amour se terminent toujours mal. Celle entre Marcelino Garcia Toral et le Valencia Club de Futbol n’a pas dérogé à la règle. Limogé de manière drastique, sans avoir été convoqué à un entretien préalable à un licenciement, le technicien asturien a vu son parcours à la tête du VCF prendre fin de manière brutale le mercredi 11 septembre après une journée complètement improbable. Ce licenciement a ressemblé à un coup de poignard dans le dos de la part d’une direction qui avait intelligemment et sournoisement préparé son coup. Personne n’a rien vu venir car un semblant de calme semblait régner dans la ville du Turia lors de cette trêve internationale. C’est un journaliste qui a appris à Marcelino que son poste était en danger.
Licencié mercredi en début d’après-midi, et remplacé une heure plus tard par Albert Celades, contacté depuis quinze jours et déjà passé en catimini par la case Singapour, et en route pour Valence le jour même, Marcelino a vu sa méthode – en contradiction totale avec la nouvelle politique de la direction du club qui a changé de cap subitement en juillet – lui exploser au visage. Complètement brisée depuis le mois d’août et la première crise qui avait failli laisser Mateu Alemany à quai, la relation du technicien avec sa direction semblait avoir atteint un point de non-retour après la succession d’événements survenus contre le secteur sportif de la part de l’actionnariat principal. Cette relation de travail s’est terminée dans le chaos le plus total après avoir empiré de jour en jour, décision après décision. Tout ce qui s’est passé dans le club depuis un mois et demi ne pouvait offrir qu’un scénario funeste à l’un de ses acteurs.
Etant un employé sous contrat comme les autres, Marcelino s’est fait couper la tête par l’homme qui détenait le pouvoir et qui a rappelé à tout le monde qui commandait à Valence. Homme de pouvoir de par sa situation de possédant, Peter Lim, fils de modeste pêcheur, travailleur et capable de s’instruire grâce à ce labeur, a toujours baigné dans les rapports hiérarchiques et ses entreprises en Asie (il exerce principalement dans les hôpitaux privés à Singapour et en Malaisie avec Thomson Medical Group) fonctionnent comme il fait tourner Valence depuis cinq ans : avec une hiérarchie pyramidale. Une de ces citations résume très bien la situation qu’il a vécu avec Marcelino depuis dix mois. Reste à savoir si lui a choisi la bonne compagnie, ce qui n’est pas totalement certain vu la longue liste de choix catastrophiques au sein du secteur sportif effectués depuis 2014.
- “At the end of the day the key component is the person. You may target the right company, but if you’ve chosen the wrong person, you’ll get a headache”.
- “A la fin de la journée, la clé du système est l’humain. Vous pouvez avoir choisi de prendre la bonne compagnie, mais si vous avez choisi la mauvaise personne, vous aurez des maux de tête.”
Voici ce qu’a pu savoir Valencia-Sports sur le pourquoi de la décision de Peter Lim de se séparer de l’entraîneur qui a remis de l’ordre dans son club et l’a surtout rendu à nouveau attractif. Une décision logique sur le fond, après les derniers coups de fusil tirés par Marcelino en conférence de presse – si on se penche sur un aspect plus entreprise difficile de continuer à travailler avec un patron que vous critiquez publiquement – mais complètement dénuée de sens sur la forme et pour l’intérêt et la stabilité d’un club volcanique dans toutes ses parties. Une nouvelle fois mise à mal, la stabilité du club, retrouvé sous l’ère Alemany-Marcelino, a déjà vécu.
Le Valence 2019-2020, même confectionné et pensé par Marcelino et Mateu Alemany en chef d’orchestre, ne sera plus le même quand il franchira la ligne d’arrivée en mai prochain. L’histoire de Valence, c’est aussi celle de la fatalité du football, monde beaucoup trop complexe pour être rationnel. Tout ce qui s’est passé à Valence cet été n’a d’ailleurs rien eu de rationnel. Et chacun de ces événements a eu un impact sur le destin de Marcelino. Du changement de position de Peter Lim concernant son implication dans le projet sportif, sa volonté d’imposer du temps de jeux aux deux parles de la cantera (Kang-in Lee, Ferran Torres) et d’en faire la base de sa politique sportive de manière subite, aux réactions “volcanico-mesurées” de Marcelino, en passant par la demande des joueurs d’aller à Singapour discuter avec Peter Lim pour empêcher le départ d’Alemany et le transfert avorté de Rodrigo à l’Atlético de Madrid : tout a été ubuesque sur tous les plans.
Lim s’est senti trahi par Marcelino
Comment Peter Lim et Marcelino sont passés de se faire des câlins pour fêter une qualification historique en Ligue des champions et un succès en Copa del Rey face au Barça de Lionel Messi à une guerre froide sans merci ? La réponse est simple et il faut aller gratter dans le passé récent du club. C’est là-bas, dans ce qui a été achevé, que se trouve la source du problème. Ce qu’il s’est passé le mercredi 11 septembre n’est que la conséquence d’une longue bombe à retardement qui a été activée sans le vouloir l’été dernier lors du mercato estival.
Après avoir délégué les pouvoirs sportifs à Mateu Alemany en mars 2017, Peter Lim, complètement perdu en début d’année 2017 après le nouveau naufrage de son Valence, a enfin pu profiter d’un club en ordre de marche sur tous les plans. Un club qui a retrouvé de l’attractivité sportive, un niveau digne du standing de l’histoire du VCF, et une équipe concernée et en phase avec son entraîneur. C’est tout simplement à cause de la réussite que le projet construit autour de Marcelino est parti en vrille. Car la réussite entraîne la jalousie – celle des hommes placés par Lim à Valence ne cachent plus leur jalousie envers Alemany – et fait flairer à l’homme d’affaires la meilleure odeur qui soit : celle du business.
Chef d’orchestre, manager dans l’âme, l’Asturien s’est transformé en un peu plus qu’un entraîneur au fil des mois à Valence : il est devenu lui aussi un homme de pouvoir. Une attitude qui a dérangé beaucoup de personnes au sein de la partie espagnole du club, pas du tout en phase avec le caractère volcanique du technicien, plutôt du genre marche ou crève dans sa façon de travailler et forcément difficile à suivre. Pour Marcelino, c’est principalement le dépassement de fonctions qui a été un problème et qui a failli lui coûter son poste en janvier 2019.
Après une première saison réussie, mais coupée par un gros creux hivernal, le roi du 4-4-2 s’est occupé de cibler les joueurs qu’il désirait pour le mercato estival 2018 et ainsi renforcer son équipe avec ses cibles à lui. Pour gérer au mieux cette harmonie qu’il a créé, Alemany, s’est chargé de satisfaire l’homme qu’il a choisi. Un homme qui a gagné le droit par ses résultats de prendre du poids dans le club. Marcelino a répété le même schéma à Valence qu’à Villarreal. “Je ne m’occupe pas du recrutement“, a-t-il pourtant toujours crié haut et fort.

Marcelino / Crédits photo : valenciacf.com
Marcelino et la gestion spéciale de son groupe
Première erreur commise : le timing. Recrues arrivées trop tard (Gameiro, Michy, Guedes), à cause d’un marché complexe et donc difficiles à intégrer dans son animation combinées à des mises à l’écart suspectes (d’abord celles de Fabian Orellana, Simone Zaza chassés du club, puis Jeison Murillo passé en quelques mois de titulaire à tricard pour une histoire de rébellion quant au régime alimentaire imposé), le management de Marcelino a été un problème. Car ses erreurs de recrutement ont coûté de l’argent à Valence. Et faire venir des remplaçants a également eu son prix.
Si l’ensemble du groupe a adhéré à son discours, qu’il reconnaît lui-même parfois comme étant trop ferme, les vilains petits canards ont été eux débarqués du navire au fur et à mesure. Et cela a un coût pour un propriétaire. Dernier exemple en date : Neto. En guerre avec Marcelino depuis la fin de la saison 2017/2018, le portier brésilien s’est fait à son tour chasser du VCF au mois de juin dernier.
Deuxième erreur commise : une mauvaise utilisation du pouvoir. Comme tout professionnel qui évolué dans le milieu du football, Marcelino a son réseau, tissé ses toiles au fil des années et fonctionne avec un système de cercle fermé : de son staff technique, à son groupe et à ceux qui fait venir. Selon les informations de Valencia-Sports, les principaux transferts de Valence depuis deux ans ont été effectués de la main d’Eugenio Botas, son agent, missionné par le club pour boucler certaines venues. Le dernier en date n’était rien d’autre que celui de Rafinha Alcantara, d’abord validé par Lim en fin de saison dernière, avant d’être mis de côté à la mi-juillet pour un prêt, avant d’être totalement écarté.
Des transferts aux trois-quarts gérés et dirigés par un agent qui n’a pas sa confiance, car Lim ne travaille qu’avec son ami Jorge Mendes, des propositions de transferts bloqués par la direction sportive, dont le départ de Mouctar Diakhaby à Wolverhampton pour la somme de 40 millions d’euros, opération indispensable au déclenchement de l’opération retour de Nicolas Otamendi orchestrée par Jorge Mendes, Peter Lim a vu rouge à la mi-juillet.
Car le Valence de Marcelino est aussi devenu un bunker : les vilains petits canards sortent et les gentils petits canards entrent (et s’ils ont déjà évolué avec lui avant, c’est un plus). Forcément, l’agent portugais, qui avait proposé Otamendi, Leao, Fekir et André Silva entre autres, s’est gentiment fait éconduire par Alemany. Les blocages des sorties et des entrées ont fait fulminer le super-agent également chargé par Peter Lim de trouver un point de chute à Rodrigo Moreno. Une tâche qu’il n’a pas réussi à effectuer. C’est de là qu’est parti le changement de politique de la part du propriétaire, qui a décidé de reprendre la main sur le sportif après deux ans où il a délégué ses pouvoirs et s’est effacé du paysage. C’est cette décision, de reprendre les pouvoirs donnés à ceux qui savaient, qui a tout fait basculer.
A suivre vendredi : la partie 2 et le mois d’août qui a tout fait basculer
Alexandre COIQUIL
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