Marcelino « Vete Ya » ou le sacrifice Aztèque : Faut-il limoger son entraîneur ?

Le FC Valencia, depuis plusieurs saisons déjà, connaît véritablement les montagnes russes en termes de résultats sportifs. Le club Ché, saison après saison, n’arrive toujours pas à confirmer la moindre dynamique positive. Tout débute l’année du rachat du club par le milliardaire singapourien Peter Lim. Cette saison-là, Jose Antonio Pizzi est remercié et remplacé par Nuno Espirito Santo. Le portugais va réussir l’exploit de qualifier son équipe pour la Ligue des Champions. Après une série de mauvais résultats la saison suivante, Nuno sera limogé en novembre 2015, débute alors la valse des entraîneurs : Gary Neville, Pako Ayesteran, Cesare Prandelli et enfin l’inusable Voro. Au total Valencia aura utilisé cinq entraîneurs de juillet 2014 à juin 2017. L’arrivée de Marcelino Garcia Toral semblait changer totalement la donne. Mais l’équipe ne gagne plus, enchaîne les mauvais résultats, l’ombre de la saison 2015 semble à nouveau planer sur le club. Le public est agacé, une partie commence à demander la tête du technicien. Mais faut-il réellement licencier Marcelino Garcia Toral ? Plus généralement, licencier un entraîneur sert-il vraiment les intérêts de son club ?
Les économistes et analystes du football ont une réponse claire sur la question : licencier un entraîneur durant une crise n’a aucun effet sur les résultats de son équipe. Pire la meilleure manière d’améliorer les résultats est souvent de ne rien faire !
Dans une étude, Sue Bridgewater (professeur à la Warwick Business School) a analysé les limogeages en Premier League entre 1992 et 2008 et en a conclu que licencier un entraîneur impliquait un léger impact positif, « la courte lune de miel ». Mais cette « lune de miel » est très facile à expliquer. Un club de football gagne en moyenne 1,3 points par match. Bridgewater a montré que les clubs licenciaient leurs entraîneurs lorsque la moyenne descend à 1 point par match. C’est-à-dire au bas du cycle. A partir de là, il est très facile de prédire ce qu’il va se passer : la performance de l’équipe retournera forcement vers la moyenne et ce, qu’elle se sépare de son entraîneur, qu’elle change d’équipement ou qu’elle change de marque de lessive. Le nouveau manager est rarement à l’origine de ce changement, il en est surtout le bénéficiaire.
Ce phénomène est appelé « régression vers la moyenne ». Tout résultat qui s’éloigne de manière positive ou négative de sa moyenne aura fondamentalement tendance et obligation d’y revenir. Un attaquant peut inscrire 25 buts sur une saison et tomber à 10 réalisations les saisons d’après, pour la majeure partie du public il restera l’homme aux 25 buts et non celui des 10 actuelles, or les saisons à 10 buts représentent sa véritable moyenne de performance, il aura effectué une régression vers la moyenne. Combien d’équipes surperforment pendant des mois voire une saison avant de rentrer dans le rang tout en restant craint comme s’ils évoluaient à leur niveau passé ?
Une autre étude réalisée par trois chercheurs norvégiens (Jan Ketil Arnulf, John Eric Mathisen et Thorvald Haerem) en 2012 a comparé les résultats des équipes de première division nationale qui ont licencié leur entraîneur après une série de défaites avec les résultats des équipes qui ont décidé de le laisser en place après une série similaire. Le résultat est accablant (graphique A). Dans les deux cas les résultats se sont améliorés et même légèrement plus rapidement pour les clubs qui ont gardé leur entraîneur. On ne constate aucune différence flagrante entre les deux.

Graphique A
Une autre étude semblable réalisée par de Docteur Bas Ter Weel (Pays-Bas) confirme cette tendance : les résultats des équipes néerlandaises qui ont choisi de limoger leur entraîneur sont les mêmes que ceux des équipes qui ont choisi de le garder et ce après une série de mauvais résultats similaires (graphique B). Les résultats reviennent à leur moyenne mécaniquement, la plupart du temps la meilleure solution est de ne rien faire mais dans le football, un univers où un coupable doit souvent être désigné, c’est souvent la plus difficile à prendre. Sauf que licencier son manager coûte énormément d’argent. Selon la « League Manager Association » ces limogeages ont couté 99 millions de livres sterling aux clubs anglais pour la saison 2011-2012.

Graphique B
Et Valencia dans tout ça ?
L’agacement des supporters est légitime. Rodrigo n’arrive pas réitérer ses récentes performances, Dani Parejo est en sous régime, quant aux nouvelles recrues offensives, elles tardent à convaincre. Cette mauvaise série et ce mauvais état de forme doivent-ils être imputés à Marcelino? Le public pointe du doigt le système mais c’est ce même système qui a permis au club de rejoindre l’élite européenne. Peut-il y avoir un si grand écart d’une saison à l’autre ? Pour le moment le board valencian semble avoir appris des erreurs commises entre 2014 et 2017 en maintenant le technicien espagnol à son poste.
Le remplaçant d’un entraineur limogé n’est jamais un premier choix. Il est au mieux un entraineur libre à la recherche d’un club, au pire un second choix d’urgence voire un autre entraineur limogé entrant dans le jeu des chaises musicales. De la même manière Le FC Valence, s’il devait se séparer de son entraineur n’aurait pas les moyens sportifs et financiers de séduire un entraineur capable de surperformer de type Guardiola, Ancelotti ou autre mais jetterait son dévolu sur un technicien accessible du même calibre que Marcelino. Là encore difficile de justifier la séparation.
Le classement de la Liga et leur 15ème place ne reflète probablement pas le niveau du club valencien. Il est aussi possible que l’équipe ait surperformé l’année passée en obtenant la quatrième place mais il est absolument certain qu’assez rapidement les hommes de Marcelino vont retrouver une position qui correspond plus à leur niveau moyen de performance et ce, que Marcelino reste ou parte. La « régression vers la moyenne » est un phénomène puissant, déroutant et visible dans toute interprétation de données. Dans un championnat aussi compétitif que la Liga espagnole, il n’est pas étonnant de voir des équipes traverser de mauvaises passes en fonction de facteurs tels que la réussite, l’état de forme aléatoire voire même le calendrier. Mais le football est construit comme cela. L’entraîneur fait figure de grand chef décideur et on retient souvent que les hommes puissants sont à l’origine des changements historiques. L’entraîneur aujourd’hui est l’image du club, le représentant principal de l’équipe, celui qui encaisse tout et soulage la responsabilité des joueurs. Le limoger est devenu un rituel à la manière des sacrifices Aztèques, un rituel coûteux et bien souvent inutile.
Article rédigé par Benjamin SABRAN pour le compte de Valencia-Sports
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